Je m'habille de poils drus et de deux bosses enchantées,
Vacillent sur mon dos comme deux ailes fatiguées.
Ma bouche est une babouche d’où, par deux lèvres énormes,
S’échappent quelques rots lorsqu'un homme s’approche.
Mes yeux sont haut perchés et semblent détachés
De monde imparfaits ou parfaits, c’est selon.
Je brais la nuit venue, lorsqu'en rêve s’allume
L’oasis de mon père, brillant au clair de lune.
Je suis un chameau,
Farceur incorrigible,
Mais le cœur gros.
Moi, je viens de l’autre
Bout du monde.
Je mendie quelques fruits et autres balivernes
Que les petits me jettent à travers les barreaux.
J’fais sourire leurs parents qui m’observent perplexes,
Voyant que d’entre mes dents va surgir le fléau.
Et je soupire, je breule, je blatère, je radote,
J'fais le bonheur des curieux qui se pâment dans leurs bottes.
J’deviens vieux, je le sais, j’ai le ventre qui ballonne,
D’où mes vents par devant lorsque j'entends les hommes.
Je suis un chameau,
Farceur incorrigible,
Mais le cœur gros.
Moi, je viens de l’autre
Bout du monde.
∼
Un jour, je partirai rejoindre mes ancêtres
Dont la carcasse blanchit quelque part au soleil.
Je m'en irai tranquille, car toujours quelques frères
Roteront leurs haleines tout autour de la terre.
Nous sommes des chameaux,
Farceurs incorrigibles, mais le cœur gros.
Nous, on vient de l’autre bout du monde.
Nom de Dieu.